Conseil départemental des Bouches-du-Rhône

À Titou-Ninou, la randonnée décolle

À Titou-Ninou, la randonnée décolle

Souhaitez un belvédère céleste éclaté au bleu-blanc ciel-soleil de Méditerranée ! Rêvez d'un balcon volant à peine calé contre la falaise, à l'abri du Mistral... Un grand désir, un petit effort ! Ça y est ! Vous y êtes... À plus de trois cents mètres au-dessus des flots...

Une côte infestée de pierraille...

La Cayolle... Quartier éloigné, en plein sud-est de Marseille. Le grand bois de pins que l'on aperçoit à flanc de colline n'est autre qu'un morceau de la forêt qui dompte le versant nord du massif de Marseilleveyre, autrement dit la partie la plus sauvage mais la plus étroite de l'univers des Calanques. Allons l'explorer en planant, suspendus au-dessus du vide. Le départ se fera d'une impasse qui prend naissance, sur le chemin du Roy-d'Espagne, au bord du dernier grand rond-point, à l'opposé du centre commercial et de sa station-service. Au fond, l'itinéraire pédestre fuit directement sous les résineux. Aux abords des contreforts rocheux du massif, le chemin s'engage dans une sorte de défilé et débouche sur une curieuse fontaine nichée dans une cavité. C'est la Fontaine de Voire, surnommée « d'Ivoire ». Les découvertes de tessons et autres restes de poteries ont révélé que plusieurs siècles avant Jésus-Christ, des membres de la peuplade des Salyens venaient là remplir leurs cruches. L'imagination aidant, on en arriva à situer dans les environs le banquet célébrant l'union de Gyptis et Protis et, par-là même, la cérémonie solennelle de la fondation de Marseille.

L'Homme-Mort et le Cirque des Walkyries

Quittons respectueusement la fontaine pour s'attaquer à un étroit goulet jalonné de sommaires et inégales marches gaillardement fabriquées de grosses pierres. Bref effort, qui permet d'atteindre rapidement une drôle de clairière en forme de cirque, nommé « La Bougie », à mi-chemin entre les basses terres et les falaises cannelées bordant les crêtes. A ce stade, partent trois itinéraires marqués de couleurs différentes comme il est de tradition dans les massifs des Calanques. Il y a donc, ici, des tracés rouge, marron et vert. C'est ce dernier qu'il faut emprunter pour s'élever légèrement à main droite avant de s'engager en contrebas dans un repli préfigurant un défilé pentu assez spectaculaire.

Tout de suite démarre une sérieuse côte infestée de pierraille par laquelle, après avoir franchi le col de la Lèbre, on bondit de presque deux cents mètres en direction des cieux. Là-haut, l'endroit aplati clairsemé de rochers vitriolés par les intempéries a pour nom lugubre le Plateau de l'Homme-Mort. Pourquoi ? Un jeune homme venu de Cassis jadis passa par-là, saluant un berger adossé à l'un des rares arbres. Le berger ne répondit point. Au soir, le jeune s'en retournant croisa de nouveau le berger toujours affalé contre son arbre.

Resalut ! Point de réponse ! Même scène deux jours plus tard, jusqu'à ce qu'au retour le jeune homme remarque la posture bizarre du berger. Mort !



Un brin de chemin avec le Chinois

C'est par-là qu'au début du XXe siècle passait le « Chinois » qui, après avoir fait ses courses dans le hameau de La Cayolle, regagnait son cabanon de la calanque de Podestat où il s'était définitivement réfugié après une dispute avec sa femme. François Féraud de son vrai nom, pêcheur de son état, avait été « chinoisé » pour avoir accompli son service militaire en Indochine. Après avoir longtemps goûté à la vie épicée des Calanques, il mourut malade d'enfermement et diminué, en 1935, en tombant d'une fenêtre du deuxième étage de l'hospice Saint-Jean de Dieu, à Marseille. C'est dans le sens inverse, vers la liberté happée à pleins poumons, que perdure son itinéraire au-delà du plateau. Pour le suivre dans sa partie haute, il faut toujours demeurer sur le tracé vert, coupant délibérément le jaune qui traverse l'Homme Mort dans le sens de la longueur.

Depuis ce surplomb, la mer se dévoile, incandescente autour de l'archipel de Riou. A main gauche, un immense cirque calcaire expose les milliards de cristaux de ses indomptables murailles. C'est le cirque des Walkyries, surnommé ainsi depuis qu'il servit de modèle à un décor somptueux fabriqué pour l'opéra de Wagner ; la Walkyrie, bien entendu...

La fin du voyage approche. Il ne reste plus qu'à traverser une langue de terre entre le grand cirque et un vallon plongeant à main droite, par où s'engouffrait le Chinois. Ne pas suivre son fantôme mais rester sur le petit tracé vert jusqu'à toucher aux crêtes.

Voilà un trou, comme un passage... Non, il donne sur le vide ! Encore quelques mètres et enfin la brèchepasserelle vers le belvédère Titou-Ninou, baptisé ainsi autour de 1938, quand les familles Rouix et Chaps y venaient scruter l'horizon avec leurs fils et fille respectifs, surnommés Titou et Ninou... Il ne reste plus qu'à contempler du haut de la falaise, rêver, se laisser enivrer avant de rentrer à contrecoeur...

COMMENT Y ALLER

Prendre l'impasse située en face du centre commercial, dans le dernier rond-point du Chemin du Roy-d'Espagne avant la route de Sormiou. Puis la large piste qui file vers les contreforts rocheux.

Temps estimé aller-retour, en flânant : 3 heures.

Difficulté : 3 (sur une échelle de 1 à 5)