Conseil départemental des Bouches-du-Rhône

Port-Miou et sa rivière secrète

Bien connue des plongeurs hydrogéologues mais peu du grand public, la rivière souterraine de Port-Miou est un fantastique réservoir d’eau douce. Malgré de nombreuses plongées, personne n’est encore allé au bout de sa longue histoire.

Mystérieuse, on ne connait pas exactement sa source. Furieuse, elle peut atteindre 150 m3/seconde en cas de crue. Joueuse, elle serpente entre les roches calcaires et plonge jusqu’à 230 mètres de profondeur, pour déjouer les envies des plongeurs les plus chevronnés. La rivière souterraine de Port-Miou est une énigme irrésolue et pourtant très étudiée.

 

LES ROMAINS VENAIENT S’Y SERVIR

Située entre les calanques de Port-Miou et de Port-Pin, sa source serait peut-être entre le flanc sud de la Sainte-Baume et la plaine de Cuges. D’après certains écrits, les Romains venaient déjà y puiser leur eau. Car cette rivière est un formidable réservoir d’eau douce que des plongeurs essaient depuis des années de remonter.

 

UN BARRAGE... INEXPLOITÉ !

D’eau douce ? Pas tout à fait. En 1976, profitant d’une poche d’air à 500 mètres de la mer, des travaux titanesques pour l’époque permettent la construction d’un barrage à 50 mètres de profondeur. L’idée est simple : couper l’amont et l’aval afin d’empêcher la mer de saler cette eau pure. Mais la belle ne se laisse pas dompter si facilement. À ce jour, les plongeurs sont remontés jusqu’à 2 kilomètres avant que la rivière ne descende à 230 mètres. Et même à une telle distance, on trouve encore des traces de sel (7g/l, contre 33g/l en mer).

 

SA SŒUR DU BESTOUAN

Aujourd’hui, une association* a en charge l’exploration de la rivière et l’entretien du site. Et si l’idée de captage n’est pour l’instant pas à l’ordre du jour, le changement climatique et la sècheresse vont peut-être changer la donne. Car son débit évalué en moyenne à 7m3/s pourrait sans doute subvenir aux besoins en eau d’une ville comme Marseille.
Et Port-Miou n’est pas la seule à se cacher en eau vive. À quelques encablures de là, sa petite sœur du Bestouan charrie des millions de mètres cubes d’une eau un peu moins salée. Mais rétive à l’idée de livrer ses secrets, elle a fermé la porte à 3 kilomètres en amont en se protégeant des regards curieux, grâce à des éboulis.
De nouvelles plongées sont prévues pour tenter de percer le mystère de cette eau toujours saumâtre. Mais si la belle ondine accueille toujours avec bienveillance les plongeurs dans ses entrailles, elle ne semble pas prête à livrer son cœur pur si facilement.

 

Olivier Gaillard
Article réalisé à partir d’entretiens réalisés avec Marc Douchet, plongeur en rivières souterraines, et Pierre Chevaldonné de l’Institut méditerranéen de la biodiversité et d'écologie marine et continentale

 
TETHYSBAENA LEDOYERI, LE PEUPLE DE L’OMBRE

Évoluer dans un tel milieu souterrain ne favorise pas le développement d’une vie animale. Et pourtant, dans la rivière souterraine de Port Miou vit une espèce unique au monde : la Tethysbaena ledoyeri. L’histoire commence en 1993. Le spécialiste des lieux, Marc Douchet, découvre au cours d’une plongée une sorte de crevette. Etudiée par un spécialiste mondial néerlandais, elle ne peut réellement être identifiée et reconnue comme nouvelle espèce car trop abîmée. C’est en 2021 que Pierre Chevaldonné, biologiste spécialiste en biodiversité marine et plongeur, réussira l’exploit d’en capturer plusieurs. Selon les chercheurs, elle ne vivrait qu’ici et ce depuis des millions d’années. Après être passée sous les fourches caudines des validations scientifiques, une nouvelle espèce est née à Cassis : la Tethysbaena ledoyeri.
(voir photo ci-dessus)

LE MYSTÈRE DES EAUX FROIDES DE CASSIS ÉLUCIDÉ

C’est bien connu des baigneurs provençaux : dans la baie de Cassis, l’eau est parfois plus froide qu’ailleurs. Si pour certains cette baisse de température pouvait provenir des rivières souterraines, la vérité est différente. L’eau est victime d’un phénomène météorologique au nom barbare de “upweelling”. Lorsque le mistral souffle de la terre vers la mer, il crée un courant d’eau de surface qu’il pousse vers le large, entraînant une remontée automatique des eaux profondes vers la surface. Le canyon de la Cassidaigne profond de 1 300 mètres et situé à proximité de la baie, charrie vers les côtes ses eaux froides et perturbe ainsi le plaisir de la baignade.