Conseil départemental des Bouches-du-Rhône

Pythéas le Marseillais, droit au nord !

De lui, on connaît souvent sa rue, parfois sa statue, au mieux vaguement son âme d’explorateur. Et pourtant Pythéas est sans doute l’un des Marseillais les plus remarquables de la cité phocéenne. Même si son histoire n’est pas gravée dans le marbre, elle nous est parvenue par fragments, reconstituant ainsi la vie d’un homme plus célèbre hier qu’aujourd’hui.

Il fait beau ce jour de printemps sur le Vieux-Port. Les bateaux chargent et déchargent les cargaisons, les commerçants ouvrent leurs échoppes. Nous sommes aux alentours de 330 (voire 360) avant notre ère. Peut-être un lundi. Ou un mardi. Pythéas le Marseillais est prêt à embarquer pour son grand voyage. Celui qui va le mener au-dessus du cercle arctique.

 

PAS D’ÉCRITS MAIS DES FRAGMENTS DE VIE

Il est difficile de connaître exactement la vie de celui qui fut explorateur, astronome, mathématicien et philosophe car aucun écrit de lui ne nous est parvenu. Son histoire, on la connaît grâce à la littérature antique et des fragments de 11 auteurs grecs ayant mentionné son nom, depuis son époque jusqu'au IVe siècle de notre ère (soit plus de 800 ans). Car ce Professeur Tournesol des temps anciens sait très bien relier les étoiles à la mer, les probabilités à la réalité et les hypothèses à l’expérience. Une chose est sûre : ses découvertes astronomiques et géographiques ont marqué son siècle et ont des répercussions encore de nos jours.

 

MARSEILLE, BERCEAU DES LATITUDES

Comme le calcul des latitudes. Grâce à lui, Marseille a été la première ville au monde à connaître sa latitude exacte à l’aide d’une mouvance de l’époque, l’astronomie de la sphère dans laquelle notre drôle de personnage s’inscrit. Il se n’agissait ni plus ni moins d’étudier géométriquement
et mathématiquement la sphère céleste.
Ce contemporain d’Aristote partait bien entendu sur le principe que la terre est ronde ! L’importance de la connaissance de la latitude aidera un siècle plus tard le Grec Eratosthène à évaluer la circonférence exacte de la terre (40 000 km), encore valable de nos jours.

 

À LA DÉCOUVERTE DU PÔLE NORD

Les observations célestes et les déductions mathématiques vont pousser Pythéas à une drôle d’idée : déterminer l’existence du pôle céleste (actuel pôle nord). Il va sans le savoir vérifier l'hypothèse se déduisant logiquement de la géométrie de la sphère : l'existence du soleil de minuit.
Et c’est ce qui pousse notre globe- trotter à embarquer ce jour de printemps vers les contrées de glace. Il veut aller vérifier notamment si sa théorie sur le soleil de minuit est exacte. De son voyage, on imagine qu’il est probablement passé par les colonnes d’Hercule (le détroit de Gibraltar actuel), remonté le long des côtes espagnoles, longé l’île d’Ouessant pour traverser la manche. En naviguant sur l’océan, il étudiera le phénomène des marées. Cet insatiable observateur de la nature en trouvera une explication confirmée par la suite : l’influence de la lune sur le mouvement de la mer. Il restera aussi celui qui, pour la première fois à l’époque, mentionne l’existence de la Grande-Bretagne. Utilisant ses qualités de géographe et d’anthropologue avant l’heure, il va la décrire en détail, faisant le portrait de ses habitants et allant même jusqu’à en donner les dimensions !

 

THULÉ, L’ÎLE MYTHIQUE

Au cours de la poursuite de son voyage, notre Christophe Colomb marseillais va mentionner ce qui pourrait bien être la mythique île de Thulé. Non identifié à ce jour, ce morceau de terre du bout du monde pourrait bien être l’Islande actuelle. Mais d’autres observateurs croient deviner qu'il s'agit d'une île située en Norvège. En poussant au plus loin sa curiosité, Pythéas arrêtera sa fantastique épopée là où il l’avait imaginé : sur les bords de la banquise, où commence la mer de glace. À minuit, sous le soleil exactement...
En l’absence d’écrits tangibles, il est difficile de déterminer la date et les circonstances de la disparition de Pythéas. Et certains géographes comme Strabon (vers 60 avant J.C) remirent en cause l’existence même de son voyage et les révélations qui en découlèrent.
Mais depuis le 19e siècle, la science philologique qui se penche sur les ouvrages des auteurs disparus, a mis au jour toute la littérature antique, et étudié suffisamment de textes pour laisser à penser que Pythéas le Massaliote, est bien l’auteur de toutes ces découvertes.
Il reste pour l’Histoire à jamais le premier...


 

Olivier Gaillard
Article réalisé à partir d’un entretien
avec François Herbaux, auteur du roman
“Les nuits blanches de Pythéas le Marseillais”
Ed. Mémoires Millénaires* 

 
PYTHÉAS, MARIN OU CAPITAINE ?

Le mystère demeure sur les circonstances et le tracé du voyage du Marseillais. Pour certains, il aurait organisé une expédition avec plusieurs bateaux au départ de Marseille, qui l’aurait emmené au bout du monde polaire.
Cela aurait alors nécessité au moins 50 galériens par bateau en plus des équipages. Soit au total près de 250 personnes à nourrir sous des températures glaciales. Pour d’autres, notre capitaine Haddock se serait mû en simple Tintin reporter. Accompagné de quelques compagnons de voyage, il aurait progressé de port en port, embarquant à bord de différents bateaux de commerce, et finissant son voyage dans des barques de pêcheurs locaux.
Quant au tracé, la première option de la Méditerranée et de l’océan paraît plausible voire plus que probable. La romance de son histoire a poussé quelques auteurs à le faire passer par l’intérieur des terres et la vallée du Rhône, remontant les fleuves jusqu’à la Garonne et commençant son aventure en mer en Gironde. Cependant, l’histoire ne dit pas si le Massaliote avait le pied marin...

TOUTE UNE VIE DANS UNE CITATION...

Si Pagnol a laissé derrière lui de nombreux écrits, l’autre provençal Pythéas n’aura pas fait couler beaucoup d’encre. De toute son œuvre, il ne reste de lui que deux titres de livres : “De l’océan”, ouvrage astronomique à caractère scientifique, et “Autour de la terre”, histoire d’un périple. À en croire les auteurs grecs, une seule citation de lui nous est parvenue.
Elle évoque un endroit situé au-delà du 62° nord, c'est-à-dire du côté des îles Féroé ou quelque part en Scandinavie. “Les barbares nous montraient l’endroit où le soleil se repose ; car il arrivait dans ces régions que la nuit devenait très courte, tantôt de deux heures, tantôt de trois, de sorte que, très peu de temps après son coucher, le soleil se levait à nouveau”*. C’est un peu court pour un Marseillais...

* Traduction de Germaine Aujac - Géminos de Rhodes - Ed. Les belles Lettres.