Conseil départemental des Bouches-du-Rhône

Culture

Alain Sauvan : avec l'étang va, tout s'en va

03/08/2021

Pendant 40 ans, le photographe n’a eu de cesse d’arpenter les rives de l'étang de Berre, véritable lagune côtière. Un voyage dans le temps entre grandeur et décadence de l’industrie.


 

Petit déjà, l’étang de Berre n’avait pas de secrets pour lui. Originaire de Salon-de-Provence, Alain Sauvan passait ses dimanches en famille du côté de Massane. “L’étang, c’était la mer de la famille, dit-il un brin nostalgique. On partait en mobylette, on se baignait, on pêchait des moules qu’on cuisinait le soir avec l’eau de l’étang et le fenouil et le bois mort des berges. Il n’y avait que les macaronis et la sauce tomate à ramener ! ”.

Adolescent, de la chambre de son copain de lycée Henry Padovani, qui a grandi à Berre-l’Étang et fût l’un des membres fondateurs du groupe de musique Police, il regarde au loin les lumières de la raffinerie. Au fil des années, il voit l’industrie s’installer et les usines pousser les unes après les autres. En 1978, à 25 ans, Alain Sauvan réalise ses premières séries de photos consacrées à ce territoire.
 

 

 

MADELEINE DE PROUST

L’homme a beau avoir une maîtrise en géologie, c’est bien à la photographie qu’il consacre sa vie. Pour la petite histoire, s’il n’a jamais pratiqué en tant que géologue, la première photo qu’il vendra en tant que professionnel sera pour illustrer une affiche de la Réserve naturelle géologique de Haute-Provence.

Avec le même médium, on peut avoir plusieurs vies”, aime à dire Alain Sauvan quand il raconte son parcours. Photographe de groupes musicaux puis de troupes de théâtre, il ouvre dans les années 80 une agence à Avignon où il croisera la route de Peter Brook ou encore Zingaro. Il travaille également pour la presse nationale et intègre l’équipe photographique du Figaro Magazine qui vient de lancer une édition régionale. Puis, dans les années 90, il devient photographe d’architecture et de décoration.

Mais sa Madeleine de Proust ne le quitte pas. “Au début des années 2000, je me suis ressourcé et recentré sur un travail plus personnel : c’était le retour à l’étang de Berre. L’industrie occupait le territoire. En 1978 déjà, j’étais frappé par l’interdiction d’accès de l’étang. Murs d’enceinte, grillages cernaient le paysage. J’ai voulu passer derrière ces murs et photographier l’intérieur des usines.” EDF sera la première à lui ouvrir ses portes. Puis viendra Arcelor-Mittal, Total...

 

“UN TERRITOIRE ABÎMÉ QUI RESTE UN PARADIS”

Son travail dans le temps se décline en plusieurs volets. “Il y a d’abord la dépossession : on a perdu une partie du territoire quand les industries se sont installées. En échange, cela a apporté de l’argent et du boulot aux gens. Il y a ensuite la phase de production. L’industrie domine le territoire. Et un troisième volet qui est une deuxième dépossession, cette fois-ci sans contrepartie. L’outil de production décline, les friches ne sont pas dépolluées et l’emploi disparait.” De ces 40 ans d’étang de Berre est née une exposition de plus d’une centaine de photos de ces rives aujourd’hui en mutation incertaine.

L’étang de Berre est un territoire abîmé mais qui reste un paradis. Chaque fois que j’ai déclenché mon objectif, ça a été une jouissance”, explique Alain Sauvan. Avant de conclure : “Entre documentaire et plastique, ma vie de photographe se superpose à la montée de la gloire de l’industrie et sa chute”.

 

Alain Sauvan,
“Production et dépossession”

Musée Ziem à Martigues.
Jusqu'au 19 septembre.
Catalogue préfacé notamment par Michel Poivert et Rudy Ricciotti, 12 €.