Gilles Cheylan est président du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel. Juliette Bonnard et César Gervais sont collégiens. Nous les avons réunis pour confronter leurs points de vue sur l’avenir de la biodiversité dans le département et, plus largement, sur les dangers environnementaux qui menacent la planète.

Accents : Tout d’abord, pour vous c’est quoi la biodiversité dans notre département ?
Juliette : C’est la diversité des espèces et comment elles cohabitent entre elles. Dans la chaîne alimentaire, chaque espèce sert à faire vivre une autre.
César : Pour moi, il n’y a aucune espèce qui ne sert à rien. Si une espèce est sur Terre, c’est qu’elle a une utilité.
Gilles Cheylan : Parfois, on ne voit pas l’utilité immédiate d’une espèce. Mais il faut comprendre qu’il faut la replacer dans un contexte plus général de la chaîne alimentaire. Par exemple, 30 % des végétaux cultivés sont pollinisés par des insectes. Sans eux, les plantes ne se reproduisent pas. Quand on a importé la vanille, on a importé la plante mais pas l’insecte qui va avec. Résultat : la pollinisation se fait à la main. On est passé d’un service gratuit à un service très coûteux ! La biodiversité n’est pas un catalogue d’espèces dont certaines seraient menacées et qu’il faut protéger. Ce sont des interactions et des services économiques gratuits.
César : Par rapport à l’écosystème marin, comment empêcher la pêche intensive ?
Gilles Cheylan : La pêche intensive est un très bon exemple. On peut d’abord améliorer les méthodes de pêche. La pêche au chalut provoque un énorme gaspillage car on ne fait pas de tri entre gros et petits poissons. Et on dépeuple les endroits les plus riches. Il faut aussi laisser le temps aux espèces de se reproduire. Mais la première question à se poser est celle de notre consommation de poissons et la limite que l’on s’impose car les stocks diminuent.
Gilles Cheylan : Mais vous, est-ce que vous êtes inquiets pour l’avenir ?
César : Pour moi, l’environnement est dégradé entre autres par les actions humaines. Notre qualité de vie dépend aussi de l’environnement. Si je m’y intéresse, c’est pour que dans l’avenir on puisse vivre non pas mieux, mais aussi bien que maintenant. Et que ça ne se dégrade pas plus.
Juliette : J’ai l’impression que pour certains, il faudra qu’il y ait un drame climatique pour qu’ils comprennent l’urgence. C’est notre avenir en fait dont on parle là. Nous, on est la génération qui arrive et si on continue par exemple à penser qu’on peut se déplacer tous les jours en prenant tout seul sa voiture, c’est sûr que le monde va être très très très dégradé.
César : On parle d’une évolution de la température dans quelques années de 7 degrés. Vous vous rendez compte ? Ça veut dire que ça risque de provoquer des conséquences extrêmes comme la montée des mers, les canicules ou les incendies.
Gilles Cheylan : Mais pas que. Une des plus importantes conséquences sera l’impact sur l’agriculture. Notre département est très agricole, très maraîcher. Or, on va être de plus en plus nombreux.
Ce qui veut dire qu’on va empiéter de plus en plus sur les espaces cultivables comme ce fût le cas à Berre, à Vitrolles ou à Plan-de- Campagne par exemple. Donc on va produire autant si ce n’est plus sur de plus petites surfaces, en utilisant des pesticides ou des engrais agricoles, avec des méthodes intensives. Sans compter une surconsommation d’eau due au changement climatique.

Accents : Quelle est la responsabilité des générations précédentes ?
Gilles Cheylan : Elle est énorme. Notre génération est celle qui a le plus consommé et le plus gaspillé. Dans les années 50-60, les moyens technologiques et de transport se sont développés. À cette époque, on ne voyait pas de frein à cette surconsommation. On ne voyait pas où était le problème. C’est à ce moment-là qu’ont été réalisés tous les grands aménagements, pour satisfaire nos besoins. On ne se posait pas de questions. Aujourd’hui, vous héritez d’une situation où tout l’environnement est dégradé et dans certains cas il y a un point de rupture. Ce sera malheureusement à vous de mettre en oeuvre des solutions.
Accents : Lesquelles ?
Juliette : Pour moi par exemple, c’est de limiter ce qu’on mange mais aussi de ne plus prendre la voiture ou utiliser le covoiturage. César : Pour moi aussi. De toutes façons, si on ne le fait pas par choix, on le fera par obligation car c’est pour notre survie. Il faut se restreindre sur certaines choses pour préserver les écosystèmes marins et terrestres.
Gilles Cheylan : Il y a beaucoup de solutions que l’on connaît. Mais il faut s’attaquer à la base du problème. Par exemple, l’agriculture. Savez-vous combien de nourriture est gaspillée dans le monde chaque année ? 30 % ! C’est 40 % en Europe et 50 % aux États-Unis. Or, quand on produit du bio, sur la même surface, on produit 30 % de moins puisqu’on n’utilise pas de pesticides ou d’engrais. Donc si on compare les deux chiffres, le calcul est simple : si on ne gaspille plus, l’agriculture bio peut nourrir tout le monde. Comme pour les économies d’énergie, comme pour les transports, c’est un changement de comportement qui entraîne des contraintes mais il faut les comparer aux bénéfices qu’on en retire. Tout est question d’évolution des mentalités qui ne se fait pas forcément par des lois, des règlements ou des contraintes imposées, mais par l’éducation à tous les niveaux.