Conseil départemental des Bouches-du-Rhône

Fanny Rey, à la table des chef(fe)s

Elle est encore jeune dans le métier

mais elle marque déjà de son

empreinte la gastronomie française.

Élue femme chef de l’année par le

guide Michelin en 2017, Fanny Rey,

marie cuisine responsable et tradition

du goût dans son auberge de

Saint-Rémy-de-Provence, avec son

compagnon Jonathan Wahid.

Une musique douce envoûtant une cour en pierres, des jets d’eau apaisants qui ressemblent à ces jardins zen japonais, une décoration discrète mais familière, “l’Auberge de Saint-Rémy-de-Provence”, située en plein coeur de la ville, est un lieu à part. Presque secret. Comme une adresse que l’on se chuchoterait.

C’est ici que Fanny Rey a posé ses valises il y a 6 ans, avec son compagnon Jonathan Wahid. Lui comme chef pâtissier (il a été champion de France des desserts en 2005), elle en cuisine, ils ont repris cet ancien relais de diligence et l’ont entièrement rénové. “On voulait faire de ce lieu une auberge et en préserver l’histoire. Du coup, on a tout changé en faisant appel à des artisans locaux qui sont les garants de la tradition d’ici”.

“CETTE TERRE EST GÉNÉREUSE”

Pour cette Bourguignonne de naissance, l’attachement au terroir est essentiel. Sa cuisine est inspirée de la richesse des Alpilles et des senteurs aromatiques alentours. “Je viens d’une terre riche et humide alors qu’ici elle est sèche. Et pourtant, elle est tellement généreuse que j’y puise mon inspiration culinaire”.

Une philosophie saluée par l’obtention de la première étoile décernée par le guide Michelin en 2017, et par le titre de “femme Chef de l’année”. “Quand j’ai appris notre étoile au téléphone, j’en ai pleuré. C’est une récompense pour moi, mais surtout pour mon compagnon, mes enfants et pour le personnel de l’établissement. Car ici, c’est une famille”.

C’est ce qui se dégage de ce lieu atypique, où les chambres situées en étage invitent au bien-être, au repos et au calme.

PRÉSERVER LES OCÉANS

Dans la cour intérieure, loin des bruits de la ville, la surprise vient du ciel. Une armature en fer représentant une raie Manta surnage le lieu. Accrochées à ses jambages, des ombrelles descendues par des poulies sont comme des méduses qui se balancent au gré du vent. Un rappel à la mer en plein coeur des Alpilles.

“Je suis très attachée à la préservation des océans et au problème de surpêche. Certaines espèces de poisson sont en voie d’extinction et le rôle des chefs est aussi de participer à cette prise de conscience. Il ne faut pas cuisiner par caprice mais intelligemment. La raie Manta est un clin d’oeil à ce combat”.

C’est dans l’assiette que les preuves de cet engagement sont les plus visibles. Pas de légumes hors saison, des choix de poissons de lacs et rivières plus abondants, une diminution des graisses animales et un travail de proximité avec les producteurs locaux. “Je fais une cuisine simple, avec du relief en utilisant des condiments propres à la région, et puissante par l’étonnement des associations. Seul le client est juge, à nous de l’étonner, de le surprendre”.

Mais aussi de le guider car comme elle l’écrit dans un manifeste rédigé avec un collectif* : “l’estomac de nos clients est un outil de lutte écologique. Ne leur faisons pas avaler n’importe quoi”. 

UNE ASSIETTE A UNE HISTOIRE

On est loin de l’idée du chef autoritaire, qui maugrée à la moindre commande. Ici, on est en famille, où chaque maillon de la chaîne a un rôle précis, mais où le travail de l’autre est salué par chacun. Le rapport humain prime sur l’autorité et la qualité du service engage la responsabilité de tous.“On essaie de lever les barrières pour aller vers la quête du mieux. On a oublié que ce qui représente la gastronomie française, en dehors de la cuisine, c’est le service en salle, le dressage, la présentation, le découpage”.

Une assiette a une histoire dont le serveur est le conteur. Et la carte d’un restaurant reflète bien souvent l’âme de son chef d’orchestre. Le menu “saveurs d’automne” côtoie l’appellation “terre, mer et forêt”, alors qu’un “terrain de jeux” invite à l’éveil des sens.

Depuis l’obtention de la fameuse étoile, une nouvelle clientèle a poussé la grille de l’Auberge. Le célèbre “guide rouge” est le sésame vers une plus grande notoriété. Et pourtant, l’exigence est identique à hier. “Ma cuisine est la même qu’avant. Mon seul credo, c’est le plaisir du client. À la fin du service, nous allons souvent en salle avec Jonathan. La question que je pose alors c’est : avez-vous passé un bon moment ? Que ce soit bon, c’est bien. Mais tout le reste, le service, le décor, l’atmosphère, c’est essentiel”.

La deuxième étoile, elle n’y pense pas encore. Pour l’heure, elle peaufine sa prochaine carte, fait les marchés à la recherche du légume oublié qu’elle pourra mettre à l’honneur, sans se préoccuper de l’écume du succès. Car à l’image de son ombrière, la “Rey Manta” glisse silencieusement vers l’avenir, sans faire de vagues.

* “L’océan est notre avenir” - Fanny Agostini - Éditions Autrement - 22 €


MARRAINE DE LA FÊTE DE LA GASTRONOMIE

Fanny Rey a été choisie pour être la marraine de la Fête de la gastronomie dont le Département était partenaire. L’occasion de faire partager sa passion et son engagement. “C’est important de soutenir de telles manifestations. Pour moi, ce fut l’occasion de faire passer des messages sur l’environnement, la cuisine écoresponsable et d’expliquer ma philosophie culinaire”.

Et plus encore auprès des élèves. “Je me suis rendue dans les écoles car ce sont ces jeunes les acteurs de demain. Je leur explique tout le bonheur de ce métier sans occulter l’implication qu’il demande. J’ai partagé de jolis moments avec eux notamment sur l’avenir de notre planète, la survie des espèces menacées ou la préservation de nos océans. Ils ont conscience de l’urgence, sans doute plus que les adultes. Je leur transmets ce à quoi je crois. Pour moi, le talent n’existe pas. C’est le travail qui fait le talent”.